Tout le monde attendait de savoir comment allait s'organiser le retour à l'école à partir du 11 mai 2020. Dans le discours d'Edouard Philippe ce mardi, l'école a été abordée évidemment mais sans beaucoup de détails. Et le monde enseignant a encore beaucoup de questions restées sans réponse.
"C'est tout ?" Le discours d'Edouard Philippe a clairement laissé le monde enseignant dubitatif, interrogatif, voire inquiet.Lucile, enseignante près de Caen, attendait depuis plusieurs jours d'avoir enfin des informations sur la reprise de l'école. Elle a été déçue. "10 minutes sur l'école, sur un si grand discours, et j'ai presque encore plus de questions après qu'avant. C'est dans 15 jours ! J'espère que ça va être complété bientôt. La seule chose bien, c'est qu'au moins on sait qu'on reprend, c'est clair !"
Des groupes de 15 élèves, mais qui et quand ?
"Le retour à l'école est un impératif pédagogique et de justice sociale." Edouard Philippe a voulu tout de suite rappeler pourquoi il tenait tant à cette reprise des cours malgré les risques liés au coronavirus.Sauf que l'argument ne tient pas pour Lucile : "C'est bizarre ; quand on leur dit le reste de l'année qu'il y a un problème avec un enfant ou une famille, on n'est pas écouté..." Sentiment confirmé par Laurence Guillouard, secrétaire départementale du syndicat SNUIPP-FSU 14. "La difficulté sociale a toujours été là, et les signaux d'alerte ont été lancés depuis longtemps."
On n'a pas le don d'ubiquité. On nous demande de faire cours et de continuer en même temps les classes à distance...
La jauge a donc été fixée par le chef du gouvernement à 15 élèves par classe maximum. "Mais on n'a pas le don d'ubiquité", sourit la syndicaliste. "On nous demande de faire cours et de continuer en même temps les classes à distance...Ca veut dire qu'il va falloir réfléchir à une alternance car on ne peut mettre aucun enfant de coté."
Le chef du gouvernement a annoncé que cette reprise se ferait sur la base du volontariat. Mais sans préciser si il parlait des enfants ou des enseignants. "C'est très flou. Le discours a donné une grande liberté, mais en gros ça reporte le problème au niveau local. Et ce manque de cadre est inquiétant." Certains parents vont avoir des besoins pour le travail, d'autres seront peut-être réticents à laisser leur enfant...5 à 8 enfants par classe en maternelle, cela aurait été plus raisonnable
"5 à 8 enfants par classe en maternelle, cela aurait été plus raisonnable pour commencer", regrette simplement Lucile. "Le temps de voir avec eux les nouvelles règles et les gestes barrières."
Pas de masque en classe
Alors que beaucoup de gens cherchent à fabriquer leur masque en prévision du déconfinement, le Premier ministre a annoncé que seuls les enseignants porteront des masques en primaire, qui leur seront d'ailleurs fournis. Et cela "quand la distanciation sociale ne sera pas possible". "Autant dire tout le temps", lui répondrait Lucile si elle pouvait.Et le gel, que les enfants peuvent ingérer puisqu'ils mettent leurs mains dans la bouche ?
Le port du masque est "prohibé" pour les maternelles car jugé trop dangereux. "Ca va moins stresser les petits, mais ça veut dire qu'on va se faire éternuer dessus à longueur de journée ? Et le gel alors, que les enfants peuvent ingérer puisqu'ils mettent leurs mains dans la bouche ? Certains médecins ont alerté sur ce risque aussi...
Les directeurs d'école auront en outre des masques "pédiatriques" pour les petits qui présentent des risques.
Et la récréation ? Et la cantine ? Et le car scolaire ?
Les transports en commun ont été évoqués dans le discours, avec "masques obligatoires"... Ce qui du coup apparait en contradiction avec les consignes à l'école...
Pour la cantine, il faudra attendre pour en savoir plus. Pas un mot. Un casse tête s'annonce aussi pour les collectivités, qu'il s'agisse de la façon d'y aller, ou de l'organisation des tables. Idem pour le périscolaire, avec les accueils avant et après l'école.
Enfin, c'est simple, le thème de la récréation n'a lui non plus même pas été abordé. C'était pourtant une des grandes attentes des professeurs des écoles et des parents. "C'est impensable d'imaginer que les enfants, notamment en maternelle, vont respecter les distances barrières dans la cour", prévient Laurence Guillouard. "En plus, quand ils vont se retrouver, ils vont être trop contents..."
La responsabilité des enseignants engagée ?
Et si un élève crache sur un autre ? A qui le reprocher ? Les parents de la "victime" peuvent-ils se retourner contre l'enseignant, le directeur ou l'école ? "Il y a des choses qui circulent depuis quelques jours, info ou intox ? Mais clairement, j'ai des collègues inquiets", affirme la syndicaliste, qui elle-même exerce en maternelle. "J'en ai eu un au téléphone qui n'en dort plus."
Personne ne semble très serein au final, même si une partie des enseignants a vraiment envie de reprendre. "On est sur quelque chose de très expérimental. Il faudra peut-être réunir les conseils d'écoles pour rassurer... si on peut."